André Menras, Hồ Cương Quyết - Non, hélas, il n’est pas parti dans la sérénité…

Je me permets de revenir sur les obsèques de notre glorieux Général. Je
suis désolé de faire ici cette mise au point, mais je n'ai jamais
affirmé, comme on me l'a fait dire en conclusion d'un article de VN
Express (1), article par ailleurs très respectueux de ce que j'exprimais,
que le Général " ra đi trong sự thanh thản " (…est parti dans la
sérénité). J'aurai bien aimé que ce fut le cas car, après plus d'un
siècle de tourmente, on ne pouvait souhaiter que quiétude et apaisement à
ce grand homme qui a tant donné à son pays et à l'humanité. Mais j'ai
bien peur que la sérénité ne soit pas la réalité de son ressenti lors de
ses dernières années de lucidité. Je serais plutôt enclin à croire que
notre cher Général est parti dans la terrible clairvoyance, l'indignation
et l'inquiétude : celle de quitter son peuple au moment où celui-ci avait
encore besoin de lui face à son nouveau combat de défense nationale et de
libération sociale. Car, lui qui suivait les nouvelles au jour le jour, il
avait vu monter depuis des années et dans l'impuissance la menace
flagrante de l'ennemi intérieur et de l'ennemi extérieur conjugués. Il
avait vu s'accélérer cette menace dans les dernières années de sa vie
avec la collaboration active de certains dirigeants d'un parti communiste
vietnamien qui, à bien des égards, avaient perdu son âme et sa conscience
dans l'excès d'arrogance et l'autosatisfaction d'un pouvoir sans
partage. Le Général avait manifesté ses inquiétudes à plusieurs reprises
mais avait été privé de parole et de communication publique. La
déférence et l'écoute qu'il méritait ont d'ailleurs été
restreintes jusque dans ses obsèques mêmes.

Difficile en effet pour beaucoup d'entre nous de croire que la visite du
représentant de Pékin était incontournable alors que le Général
n'était pas encore enterré. Difficile de croire que l'accueil réservé
au Premier ministre Han par les quatre principaux dirigeants du régime et du
Parti était uniquement dicté par la rigueur suprême du calendrier
diplomatique. Quand on connaît les sentiments que le Général nourrissait
envers le " camarade " chinois et les griefs irrités que ce dernier lui
vouaient en retour, on est tenté de penser que cet accueil des plus
officiels aurait pu être différé et qu'en maintenir la date est un acte
délibéré d'irrespect arrogant, voire une insulte à la mémoire du
Général. Car, dans le pingpong devenu quasi permanent des échanges Ha Noi
–Pékin et au vu de leur contenu les nouveaux accords bilatéraux ne
présentaient aucune urgence pour les intérêts vietnamiens. En tous cas,
étant donnée l'importance nationale et internationale des obsèques du
Général, cette visite inopportune du représentant de l'expansionnisme
Han pouvait, devait, être différée. Si elle ne l'a pas été, ce ne
pouvait être qu'à dessein. En réponse à l'étonnement et aux
indignations populaires, la tentative de justification administrative de
cette décision émise par le porte parole du ministère des Affaires
Etrangères est tout simplement lamentable et ne trompe personne. Sans parler
du contenu prévisible, encore plus profondément anti-national de ces
nouveaux " accords " qui pourraient se résumer comme un nouveau pas
conquérant de Pékin, un nouveau pas vers la sixième étoile sur le drapeau
Han. Cette politique vietnamienne de Pékin, le premier ministre chinois,
l'a d'ailleurs gastronomiquement exprimée par la nouvelle formule "
Trong tôi có Anh " (Dans moi, il y a toi). Il a ainsi vaillamment
dépassé le stade de " la dent et de la lèvre " pour passer à celui
d'une amitié encore plus extrême et quasi sans retour :
l'anthropophagie. Allez donc savoir si elle ne cache pas de sens encore
plus extrêmement amical et plus inavouable? Comment décoder les métaphores
pékinoises à la fois si physiques et si énigmatiques? Je préfère pour ma
part voir dans cette formule l'expression de la phase finale d'un
scénario gastronomique si évident pour Pékin, écrit de longue date sur
les tablettes de l'Empire: le gros poisson Hán (Tôi) avale le petit
poisson Việt (Anh). D'autant que chacun connaît bien le nom de la mer
où se déroule la scène… Arrogance, cynisme et trahison : voilà les
ingrédients au menu de cette rencontre qui a entaché les obsèques du
Général et qu'Ha Noi n'a pas voulu différer.

Non, quand il est parti et bien avant même son départ, le Général
n'était plus de ce Parti-là qui ne l'écoutait plus depuis longtemps,
dont les figures de proue venaient en claironnant au 30, rue Hoàng Diệu
une ou deux fois par an lui sourire pour la photo formelle, quasi-contrainte,
mais qui, le reste du temps ignoraient d' un silence superbe ses
suggestions et ses conseils les plus pressants. Car, contrairement à ces
inconditionnels des " 4 bons et 16 en or ", le Général n'a jamais
baissé la tête devant la pression du Nord. Il n'a jamais flanché devant
la menace, les dénigrements, les manipulations et l'isolement. Il n'a
jamais chanté servilement sous la baguette du chef d'orchestre de Pékin
avec les groupies vietnamiennes du " hợp tác chiến lược toàn
diện ". Lui, le révolutionnaire, il préférait encore chanter La
Marseillaise après avoir mis les choses au point clairement et
définitivement à Điện Biên Phủ.

<strong>Quand l'Assemblée ne lui donne pas une minute, le peuple lui donne
dix mille ans (muôn năm)!</strong>

Oui, les obsèques du Général ont été une nouvelle occasion pour tous les
observateurs de sentir l'étendue du fossé qui s'est creusé entre lui
et le peuple du Vietnam d'un côté et la tête dirigeante du Parti de
l'autre. Côté pouvoir, les cérémonies du deuil bâclées, réduites au
minimum pour un anh hùng dân tộc d'envergure internationale, le
recueillement écourté sous un prétexte faussement diplomatique. De
l'autre, la mobilisation spontanée d'un peuple tout entier, avec la
participation massive de sa jeunesse, mobilisation immense de profondeur,
d'affection, de respect et de douleur, toutes générations confondues,
comme un véritable plébiscite pour un Vietnam propre, fier et respectable,
comme une gigantesque manifestation muette en résistance au pouvoir actuel,
ainsi que certains l'ont écrit. Point n'est besoin d'être fin
observateur pour constater l'évidence : le Général Giap a su garder
intacte la confiance et la fierté populaire alors que la tête du Parti les
a complètement oubliées sur le chemin des ambitions personnelles, de la
cupidité, des intérêts de clans corrompus et de la soumission honteuse à
l'Etranger. Et, alors qu'il n'a pas eu droit à une seule minute de
silence de la part des députés sensés représenter le peuple lors de
l'ouverture de la session de l'Assemblée nationale suivant le deuil,
pour l'immense majorité des citoyens du Vietnam sa mémoire restera
toujours bien vivante dans sa patrie et bien au-delà des frontières du pays
en S, par son courage et son génie patriotique, sa modestie et son humanisme
tandis que le Parti, avec ses grands et ses petits chefs, mourra sûrement,
par son unique faute, malade de dégénérescence, de ses lâchetés
opportunistes, de ses prétentions dominatrices démesurées et de sa
déshumanisation !

Pour conclure cet article de colère mais aussi de " confiance stratégique
" en l'avenir démocratique du Vietnam, je m'attarderai sur un dernier
symbole. J'ai bien remarqué, comme certains amis, l'emplacement que le
Général a choisi pour sa dernière demeure dans l'île de Đảo Yến.
Sur une latitude sensiblement voisine de la pointe sud de l'île chinoise
de Hai Nan. Eternellement tournée vers elle, elle semble la regarder telle
une borne sacrée, gardienne protectrice, marquant tranquillement la limite
extrême des prétentions souveraines Han en mer de l'Est. Comme une sorte
de mise en garde solennelle : " Rendez-nous Hoàng Sa et ne touchez pas à
Trường Sa ". Ce symbole et ce message que je veux y voir de façon
certainement romantique font à mes yeux de cette auguste sépulture un phare
protecteur et fier, beaucoup plus forts que n'importe quelle garnison
militaire, beaucoup plus dissuasif que n'importe quelle position
d'artillerie. C'est l'expression de la détermination de tout un peuple
à garder sa terre et sa mer! D'un peuple aimable et pacifique qui, à
l'image de son cher Général, a toujours pris plaisir et fierté à
inviter ses amis étrangers mais qui a finalement toujours bouté hors de
chez lui tous ceux qui ont voulu forcer sa porte.

<strong>A. M. H. C. Q.</strong>

(1) " Anh Võ, anh Văn trong lòng Hồ Cương Quyết ", VN Express
14/10/2013

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